Tourisme Rencontre UTICA-MEDEF : Comment reconquérir le marché français ?

Le marché français connait des difficultés. Les réservations se font timides. Les professionnels s’attendent à une année très difficile en 2013 liée à la crise économique et aux effets des médias français sur la destination. Crise dont ils ont fait les frais en 2011 déjà. Avec des réservations en recul pour 2013, il y a très peu de visibilité sur le secteur.
En arrivées et nuitées cumulées, c’est le marché français qui inquiète davantage. Il a connu une chute au niveau des arrivées et nuitées. Ce marché représente, rappelons-le un million de touristes. Ainsi pour booster ce marché, MEDEF International, l’UTICA et CCI International ont organisé hier une rencontre de chefs d’entreprises pour faire le bilan du secteur, évaluer sa compétitivité, analyser la concurrence internationale en Tunisie et dans le monde et faire des propositions au gouvernement tunisien sur des axes d’amélioration afin de permettre au secteur privé de se développer dans les meilleures conditions possibles. L’ atelier organisé autour du thème “ Tourisme et Services en présence de M. Elyes FAKHFEKH, Ministre du Tourisme, Afif Kchouk Vice–Président de la FTH et Abderahman Belgat Directeur en charge des dossiers spéciaux auprès de la Direction MOA du Groupe Accor a essayé de faire un diagnostic du tourisme tunisien postrévolutionnaire. Il s’avère que depuis la révolution du 14 janvier 2011, le tourisme tunisien a connu une chute aussi bien au niveau de l’activité que de l’investissement. L’année 2011 s’est soldée, par rapport à l’année 2010, par une nette régression des entrées ; des nuitées et des recettes en devises, respectivement de 30,7%; 42% et 32,9%.

 

Selon Afif Kchouk, ce premier marché européen émetteur de touristes vers la Tunisie passe par une période difficile « le marché français a-t-il dit a connu une baisse de 41,6% de ses entrées et de 49,2% de ses nuitées. Il enregistre ainsi les plus grands reculs parmi les marchés européens importants. La stratégie de relance mise en place et les budgets promotionnels et publicitaires supplémentaires et exceptionnels dépensés sur ce marché, ainsi que les efforts fournis par les opérateurs du secteur-notamment au niveau des prix- n’ont pas pu endiguer ce recul. Malgré ce recul, le marché français reste en tête du classement des marchés européens. L’année 2012 a connu une nette reprise par rapport à 2011 : augmentation des entrées de 26,6% des nuitées de 49,7% des recettes en devises de 33,9% (chiffres au 31 octobre 2012) Le marché français a contribué, lui aussi, à cette reprise, puisque son flux touristique a augmenté, respectivement, de 23,1% au niveau des entrées et de 35,7% au niveau des nuitées.

 

Toutefois, cette embellie n’arrive pas à rattraper les performances de 2010. Par rapport à cette année de référence, les entrées de 2012 sont en deçà de -15,5%; les nuitées de -15,8% et les recettes en devises de -10,3%. (Voir tableau statistiques en annexe)La situation sécuritaire dans le pays et certains évènements majeurs fâcheux et surtout leur médiatisation à outrance en Europe, et surtout en France, sont la cause principale de la reprise timorée de l’activité touristique qui aurait pu être bien plus grande et plus rapide. Malgré cela, la Tunisie constitue une destination indispensable et irremplaçable aussi bien pour les réseaux des producteurs que pour les circuits de distribution ; c’est à-dire pour les tours opérateurs et les agences de voyages. C’est ce qui explique, en grande partie les difficultés du secteur du tourisme « out going » en France.

 

Les méventes sur la Tunisie ne viennent pas d’un manque de production ou de commercialisation, ou d’une insuffisance des actions promotionnelles ou des budgets de marketing. Elles viennent essentiellement du fait que le citoyen français, le consommateur a peur de venir en Tunisie ; bien qu’aucun touriste n’ait jamais été touché, violenté ou agressé, ne serait ce que verbalement. Les médias français et leur couverture des évènements ont alimenté et ravivé cette peur. La preuve est que les marchés britanniques, allemands et russes (pour ne citer que ceux-là) connaissent des progressions continues. Il est à signaler que la destination Tunisie est la plus compétitive sur le marché français, que les principales enseignes hôtelières et touristiques françaises sont présentes en Tunisie : Accor (Novotel, Ibis), Concorde, Club Med, Fram, Marmara, Eldorador, Lookéa…Il en est de même au niveau du transport aérien : Air France, Transavia.com, Aigle Azur… Au niveau des investissements, notons que parmi les entreprises françaises de tourisme, seule Fram Voyages a réellement investi en Tunisie, dans l’hôtellerie (hôtel Regency à Monastir et La Palmeraie à Tozeur) et dans l’agence de voyages (Fram Orange Tours). Les autres entreprises ont soit loué des hôtels ou pris en gestion pour compte ou en exclusivité de commercialisation des unités hôtelières. Il y a lieu de signaler que de plus en plus d’initiatives privées individuelles françaises investissent dans des maisons d’hôtes, de petits hôtels de charme et des projets d’animation. Dans le secteur de la plaisance, nous enregistrons l’implantation en Tunisie d’une quinzaine d’unités industrielles françaises de différentes tailles. Le projet de la Marina Bizerte Cap 3000, constitue une grande opportunité pour le développement des relations entre la Tunisie et la France, sur plusieurs plans : industriel, commercial, des services. Il va générer la création d’une multitude d’activités connexes et complémentaires

 

Les conditions de la reprise

 

L’ambition du tourisme tunisien sur le marché est de revenir aux performances de 1,5 million de touristes, dans un premier stade et puis de les dépasser dans un deuxième stade ; car le marché français reste très porteur. Par ailleurs, les liens culturels, historiques et économiques ajoutés à la proximité font que la Tunisie gardera toujours sa place et son attrait sur le marché français. Pour atteindre cet objectif, il est impératif qu’en Tunisie postrévolutionnaire affirme Afif Kchouk que la sécurité soit totalement assurée et que l’image sécuritaire du pays soit restaurée. Les mouvements sociaux récurrents (grèves, sit in, barrages de routes…) ne peuvent que nuire à l’image du pays. Le nouveau « Code d’Investissement » doit être promulgué dans les plus brefs délais. La transition politique prendra fin dans les meilleurs délais. La promulgation de la nouvelle constitution, la tenue d’élections législatives et municipales et la mise en place d’un gouvernement non provisoire sont de nature à stabiliser davantage le pays. La pression exercée par les groupes islamistes radicaux (et ceux qui se cachent derrière) doit cesser. Ces groupes entretiennent un climat d’incertitude et de malaise social qui va à l’encontre des valeurs de tolérance, de liberté, de civisme et d’hospitalité qui ont toujours caractérisé le peuple tunisien. Dans le cadre de la nouvelle gouvernance, il est de l’intérêt de toutes les parties que les prises de décisions et leur application soient plus claires et plus fermes. Elles doivent être renforcées et plus rapides. La culture du travail doit être mise en valeur et développée. Le respect des conditions de travail (présence, ponctualité, tenue…) et la productivité doivent faire l’objet d’un intérêt particulier. C’est dans ce sens que le Code de Travail doit être révisé et mis au diapason du Code des Investissements. Les réformes économiques doivent être accélérées. Les problèmes de règlementation et de l’application des textes de lois sont un frein pour le développement du secteur de la plaisance, à titre d’exemple. Sur le plan touristique, La première urgence est de restaurer la confiance en la destination Tunisie. Pour cela, il est impératif que l’image de la Tunisie et de son tourisme changent complètement dans les médias français. C’est la première condition sine qua non.

 

Communiquer plus :

 

Pour y arriver ajoute Afif Kchouk il faut communiquer, à titre d’exemple : Faire parler, régulièrement, le touriste qui a séjourné en Tunisie et recueillir son témoignage sur ses vacances en Tunisie, demander aux entreprises françaises implantées en Tunisie de communiquer sur leurs conditions de travail et les performances qu’elles réalisent dans ce pays ; ce qui contribuerait à encourager les Français à venir en Tunisie et inciterait les firmes françaises à venir s’implanter en Tunisie ou à collaborer avec des entreprises tunisiennes et intervenir auprès du Ministère des Affaires Etrangères français afin qu’il ne classe plus, sur son site internet, la Tunisie ou une partie de son territoire dans les « zones à risque »La deuxième condition est une campagne de promotion à très grande échelle incluant la publicité en prime time dans les principales chaînes de télévision. A ce propos, l’agence de communication Publicis a été choisie par le tourisme tunisien pour réaliser ses campagnes de communication, non seulement en France, mais dans douze autres marchés européens.La troisième condition est une mise à niveau de l’offre et une revalorisation du produit touristique tunisien par l’amélioration de la qualité de ses prestations de services, ainsi que son adaptation à la demande, au besoin et à la motivation de la clientèle française.

 

La quatrième condition concerne la desserte aérienne. En effet, il faut que le siège avion soit disponible pour que le lit d’hôtel soit rempli. Il faut donc que l’offre aérienne soit suffisante et à un bon prix. Certes, actuellement, une dizaine de compagnies aériennes assurent des liaisons directes entre les aéroports de Paris et Tunis Carthage ; et plusieurs compagnies charter desservent les aéroports de Djerba, Monastir et Enfidha. Mais cet effort reste insuffisant et pas toujours bon marché. Cette situation nécessite une clarification et une étude approfondies sur les insuffisances du marché et d’éventuelles lourdeurs administratives et opérationnelles. Les négociations entamées entre l’Union Européenne et la Tunisie sur l’« ouverture du ciel » vont certainement contribuer au développement du trafic aérien dans les deux sens.

 

La contribution du MEDEF à la reprise du secteur touristique

 

Dans le domaine du partenariat tuniso-français dans le secteur touristique, le MEDEF est sollicité pour contribuer à la mise en application des recommandations de l’étude stratégique sur le développement du tourisme tunisien à l’horizon 2016 » réalisé par l’antenne française du bureau d’études Roland Berger (ci-jointe en annexe)la création d’une agence de promotion touristique (à l’image d’Atout France) et d’une autre agence pour la formation professionnelle ; et ce dans le cadre du Partenariat Public Privé (PPP)le développement du Programme de Mise à Niveau Hôtelier (PMNH). Dans le secteur de l’emploi et des ressources humaines, le MEDEF est sollicité pour encourager le travail saisonnier du personnel tunisien en France dans l’hôtellerie et la restauration, eu égard à la pénurie de cette main d’œuvre qualifiée en France ; promouvoir la formation professionnelle, notamment par l’envoi de stagiaires tunisiens en France et contribuer à l’amélioration des services aéroportuaires par l’assistance et la formation. Le partenariat peut concerner aussi la fabrication et la fourniture d’équipements et services hôteliers ; soit par l’implantation d’unités industrielles en Tunisie, soit par des commandes passées à des usines tunisiennes. Il y a lieu de penser aussi à un partenariat tuniso-français plus large pour conquérir conjointement des marchés en Afrique et au Moyen Orient, notamment. Sur le plan des investissements, les entreprises du MEDEF sont invitées à s’intéresser de près aux ouvertures de capital d’entreprises tunisiennes publiques et privées, en relation avec le secteur touristique. A ce propos, il serait opportun d’intéresser les hommes d’affaires français aux opérations de ventes, de location ou de gestion d’établissements touristiques qui seraient proposées par le futur Fonds d’Investissement, un projet initié par la Banque Mondiale et le Gouvernement tunisien, dans le cadre de la restructuration des banques étatiques. Le MEDEF est également sollicité pour œuvrer à encourager les promoteurs à investir dans les nouvelles zones touristiques aménagées qui totalisent 1000 ha de superficie. Il est également sollicité pour promouvoir les nouvelles opportunités d’investissement, dans le tourisme alternatif et culturel en particulier. Le MEDEF est invité à organiser et à soutenir des évènements en Tunisie (rencontres, séminaires, colloques…), à contribuer à la promotion de tourisme de congrès et d’incentives (MICE), de nature à donner plus de confiance aux hommes d’affaires français, et aussi de raffermir les relations entre eux et leurs homologues tunisiens. Le MEDEF est appelé enfin à mobiliser, au service de la Tunisie, ses réseaux internationaux de par le monde ; comme il est appelé à être le porte parole de la Tunisie auprès du patronat de l’Union Européenne.

tiré de « www.letemps.com«