Heureuse coïncidence ou pur hasard ? 2010 pour le Maroc revêt à la fois un caractère national en tourisme et en sport, le football précisément. En effet, la stratégie à propos de la vision touristique devant drainer 10 millions de touristes est prévue pour 2010. La candidature du Maroc à l’organisation de la Coupe du Monde de Football est pour 2010.
L’une et l’autre peuvent-elles être fusionnées et créer ainsi une véritable synergie en matière de préparation pour un même objectif ? Bien sûr que OUI.
C’est juste une question de volonté politique. Or, cela est acquis dans la mesure où SM Le Roi Mohammed VI a donné son accord et son soutien royal à l’une et à l’autre. C’est là une occasion unique pour le Maroc de travailler à fond pour faire aboutir convenablement ces deux grands dossiers d’une portée socio-économique considérable pour notre pays.
C’est dans ce cadre que nous avons contacté M. Abdou Belgat, expert international en Tourisme, Sport et Communication.
Un personnage exceptionnel d’une générosité très rare, qui maîtrise parfaitement ses dossiers dans les moindres détails, tout particulièrement dans les domaines du Tourisme, du Sport et de la Communication.
Vice-président de l’AFEST (Association Française des Experts et Scientifiques en Tourisme), il a, avec le président M.VICERIAT et les membres de cette association, exprimé officiellement, à la partie marocaine, leur soutien actif et leur engagement pour la candidature du Maroc à l’organisation de la coupe du monde 2010. Entretien.
Question : Dr Belgat, un bref rappel sur l’importance du tourisme dans le monde ?
Réponse : Oui, il est toujours bon et utile de rappeler que le tourisme et ses services représentent la première industrie au monde. En effet, le tourisme a généré des recettes dépassant 550 milliards de dollars en 2002, transport mis à part, dépassant ainsi la valeur des exportations mondiales de pétrole, estimée à moins de 400 milliards de dollars.
En moyenne, 10 % des recettes à l’exportation des pays en développement proviennent du tourisme. IL est le moteur de la croissance en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. Le tourisme est le secteur qui crée le plus d’emplois dans le monde.
Certaines analyses estiment que dans l’économie mondiale, le tourisme procure un emploi direct et 9 indirects. Il est prévu une augmentation de l’ordre de 46 %, générée par le tourisme, d’ici à 2007, selon les sources du World Travel au Tourism Council. Le Tourisme a aussi cette exceptionnelle particularité d’agir sur les autres secteurs, notamment l’éducation, la formation, les transports, la culture, la santé, l’environnement et bien sûr l’économie.
Question : Qu’en est-il pour le Football mondial ?
Réponse : Le Football mondial, érigé en véritable multinationale, génère, tous revenus confondus, un chiffre d’affaires estimé à plus de 200 milliards de $ US et enregistre plus de 200 Millions de personnes licenciées dans le Monde.
Il est aujourd’hui au cœur d’énormes enjeux financiers, industriels et politiques.
Pour le Maroc, le sport en général, et le Football en particulier allié au tourisme, constituent deux facteurs déterminants de développement durable devant former un bon duo pour apporter le pays vers une croissance socio-économique dynamique et irréversible.
Question : Quelle première approche faites-vous sur la candidature du Maroc pour la Coupe du Monde 2010 ?
Réponse : Une CHANCE unique de gagner 2010. Je suis certain que les responsables marocains, à haut niveau et à grande échelle sont conscients des enjeux politiques et économiques que constitue l’organisation de la Coupe du Monde de Football. Je dois préciser, en toute honnêteté, que le Maroc est de loin mieux avancé que ne l’était le Mexique, il y a 18 ans, lorsque ce pays avait organisé la Coupe du Monde 1986.
La France, ayant organisé la meilleure Coupe du Monde de Football en 1998, constitue pour le Maroc un important soutien logistique de conseil et d’assistance du fait des relations exceptionnelles qui lient les deux pays.
Une des plus importantes entreprises françaises, le Groupe ACCOR qui est également européen et international, leader mondial de l’hôtellerie et des services, a démontré lors de la Coupe du Monde 98 son talent et son savoir faire, faisant de cet événement interplanétaire une totale et grande réussite.
La place et le rôle du Groupe ACCOR en Afrique représentent un poids à ne pas négliger. ACCOR très présent au MAROC tient un vrai rôle d’entreprise citoyenne. Voilà encore de grands atouts pour le MAROC. La France, n’est – elle pas le premier partenaire économique du Maroc ?
Ainsi, l’appui, exprimé officiellement, de l’AFEST au soutien de la candidature marocaine est considérable et se trouve être un élément non négligeable à saisir pour le Maroc. La conjugaison du tourisme et du sport roi, le Football en l’occurrence, est un facteur déterminant pour l’horizon 2010. Cette orientation devrait hisser le pays à un niveau plus élevé permettant à sa population de meilleures perspectives en matière d’emploi et de cadre de vie. Faut-il rappeler que ce sont là les grandes orientations officiellement exprimées et sérieusement mises en marche par SM le Roi Mohammed VI.
Question : Que peut apporter l’AFEST à la candidature marocaine ?
Réponse : Tout d’abord, soutien et conseil mis gracieusement au service des décideurs marocains. Je tiens à vous rappeler que notre Association n’a rien à vendre et rien à acheter, c’est notre devise et notre force d’indépendance. Créée en 1954, l’AFEST est une grande dame européenne généreuse en idées, sérieuse et très respectée. Elle est la plus ancienne institution européenne, voire mondiale, dans le domaine de l’expertise et de la recherche scientifique en matière de tourisme et d’hôtellerie.
L’AFEST détient le savoir faire pour lancer une meilleure reconnaissance de l’importance économique, sociale et stratégique pour le Maroc grâce à l’organisation de la Coupe du Monde de Football.
Or, le Maroc a besoin d’un vrai Lobbying, à la fois pour de développement de son tourisme et pour faire aboutir sa candidature à l’organisation de la Coupe du Monde 2010.
C’est dans ce contexte que très récemment, notre Président, mon ami Patrick VICERIAT, accompagné du Président de l’Industrie Hôtelière (UMIH) a rencontré à l’Elysée le Conseiller économique du Président Jacques CHIRAC.
À cette occasion, la question du soutien de la France à la candidature du Maroc pour l’organisation de la Coupe du Monde 2010 et du rôle des entreprises françaises dans le domaine sportif et touristique a été abordée. Nul doute que ce sujet sera évoqué entre le Président CHIRAC et SM le Roi lors de la prochaine visite au Maroc, en Octobre 2003, du Président CHIRAC.
S’il est évident que l’Afrique du Sud constitue un candidat sérieux, il n’empêche qu’il y a pour le Maroc possibilité de renverser la donne en sa faveur grâce à une implication généralisée de l’Etat, de la population, des pays frères et amis, appuyée sur un lobbying conduit d’une manière professionnelle, efficace et consistante. Je rappelle que le football et le tourisme ont la similitude d’être deux facteurs de développement aux enjeux colossaux et aux ramifications socio-économiques formidables.
Le Maroc a donc tout à gagner en liant le tourisme et le sport au développement du pays.
Question : En tant qu’expert, que pouvez-vous nous dire sur la FIFA, sa structure et sa décision sur les candidatures.
Réponse : Il faut rappeler encore et encore que la Coupe du Monde de football forme des enjeux stratégiques colossaux. Rappeler aussi que la décision concernant l’organisation de la Coupe du Monde, se prend et se fait à l’étranger.
Elle n’est ni exclusivement arabe, ni arabo-musulmane, encore moins africaine. C’est une combinaison alchimique qui intègre aussi ces données.
La FIFA, par ailleurs, est une vraie multinationale qui fonctionne à la méthode de l’ONU : des pressions par ci et par là, pour faire avancer ou bloquer telle décision ou tel projet. Fondée en 1904, la FIFA est, en effet aujourd’hui, la plus puissante organisation sportive du monde, à la tête du sport le plus pratiqué à l’échelle de la planète.
Véritable pouvoir interactif entre les confédérations, la FIFA, disposant de 202 membres repartis sur six confédérations (AFC, CAF, CONCACAF, UEFA, COMMEBOL et OFC), représente un véritable ‘ gouvernement à distance » du football mondial. Sur le plan national, continental et international, le football est devenu un phénomène interplanétaire incontestable. La Coupe du Monde 1998 en France a enregistré plus de 40 milliards téléspectateurs en audience cumulée. Seul un tel événement peut avoir un tel impact.
Question : Peut-on accorder une dimension autre que nationale et maghrébine à la candidature du Maroc ?
Réponse : Bien sûr que Oui !Le Maroc doit faire valoir et faire savoir que sa candidature revêt à la fois plusieurs dimensions : une dimension maghrébine, une dimension arabo-musulmane, une dimension africaine et aussi une dimension euro-méditerranéenne.
A lui d’expliquer cette approche, de l’argumenter correctement pour attirer le soutien des pays formant ces quatre composantes. En termes d’image, cela est une exceptionnelle opportunité à saisir pour le Maroc.
La situation géographique – 14 Km de l’Europe – est un atout déjà assez valorisant pour la candidature marocaine. Mais à lui seul, il reste insuffisant : le grand partenariat, du libre-échange, prévu pour 2010/2012 avec l’Europe, doit être mis en avant avec force et détermination pour appuyer la candidature marocaine. Le partenariat est aussi un grand acte de solidarité envers le partenaire qui en a besoin.
Le Royaume du Maroc, terre de tolérance, de modernité, d’ouverture, et aussi de lien entre l’Europe, le continent africain et le monde arabe, doit faire valoir ses spécificités qui sont à son avantage.
Les regrettables et condamnables incidents terrorites qui ont troublé exceptionnellement la quiétude du pays ont, dans ce malheur, permis au Maroc de démontrer au monde entier sa capacité d’agir et sa détermination de gestion de cette exceptionnelle et cruelle crise.
Tout lui est possible avec la volonté et la perspicacité qu’il faut. Les atouts existent, il doit bien savoir les exploiter. Bonne chance mais surtout beaucoup de travail en vue avant la sélection finale en Mai 2004.
Article tiré de « l’opinion » 30/09/2003